Bonjour,
Ce drame semble effectivement retracer le funeste passage à l’acte d’une personne schizophrénique en phase paranoïde.
JohnTitor a écrit:
A l'entendre, on dirait que le diable lui même aurait prit possession de son corps afin de tuer sa mère...
C’est vrai qu’elle dit très clairement
« qu’elle était le diable ». Elle ne fait qu’un avec l’entité.
« J'ai eu des visions dans un rêve. J'ai vu que j'étais le diable, que j'étais le mal, et que je devais en faire ». Hallucinations et automatisme mental, des signes typiques de la schizophrénie.
William Lee a écrit:
Ces gens semblaient être des "mystiques", ils avaient l'air de baigner dans une intense religiosité... Pas étonnant que sa crise de démence se manifeste sous une forme "mystique", donc...
On constate en effet un phénomène dit de « délire à deux » entre la mère et la fille. Une relation exclusive et fusionnelle :
« La famille avait "éclaté" et Thérèse ne voyait plus ses 7 autres enfants, pas plus qu'Élisabeth. ». Tout porte à croire que la mère devait également être bien atteinte…
Concernant l’état de mysticisme dans lequel se présente le couple, la psychopathologie a coutume de différencier deux situations. D’un côté « l’attitude mystique » où il s’agit d’un appel
à Dieu (ou à la Vierge, voire au Diable en fonction du culte…) et « le délire mystique » avec l’appel
de Dieu ou de l’idole.
Le deuxième cas, comme ici, signe généralement la présence d’une structure psychotique chez le sujet. En effet, ici on perçoit nettement que l’initiative vient d’autrui (le Diable). L’appel provenant du Diable, la perception « qu’elle est et doit faire le mal ». Ce n’est pas un appel au Diable, c’est véritablement un rapt par le Diable. La jeune femme n’est plus, elle devient le Divin (ou plutôt ici son antithèse), elle est fondue en lui. L’autorité du Diable se confond alors dans la sienne. Dans le jargon, cette « fusion » qu’elle décrit limpidement traduit un discours « holophrastique », autre signe caractéristique de la structure psychotique…
Maintenant pourquoi le Diable justement ? Tout dépend de l’histoire intime de cette personne... On sait notamment que l’image du Diable est riche de symbolisme. En outre, il incarne à merveille la figure de la tentation et de l’influence, celui qui pousse à l’effraction et à la rupture de la « loi » (morale ou non), ou simplement au refus de tout type de contrainte (symbolique ou réelle).
Redrum a écrit:
Je vais sûrement jouer les psychologues de comptoir mais j'avance l'explication suivante.
Cette femme était très pieuse, à 34 ans elle va vivre avec sa mère, qui plus est à Lourdes, allez savoir comment elle a vécu jusque là, la place de sa mère et de la religion dans sa vie... Résultat : trop d'oppression alliée à un peu de mystique nous donne une femme qui a eu envie de tuer sa mère symbole de cette oppression. Ses visions du diable sont une sorte d'alibi, ça la "raccorde" avec sa foi.
Je pense que cette femme devait garder beaucoup de choses en elle et c'est ressorti à ce moment-là dans une crise de démence où elle s'est semble-t-il acharnée.
C'est triste...
Plutôt pas mal pour de la « psychologie de comptoir » ! Le passage à l’acte sacrificiel est en effet une tentative de « séparation » dans le réel. Le problème, c’est qu’en frappant la mère, la patiente s’est également frappée elle-même (ce qui peut corroborer la thèse du suicide ultérieur). Faute d’avoir assumé la séparation dans la dimension symbolique, le psychotique cherche à opérer la rupture dans la réalité (matricide lorsque le gêneur est la mère, tuerie en masse lorsque ce gêneur s’étend à la société, etc.). Le problème, et les psychiatres le savent, c’est que la « coupure », cet agissement de « séparation » (qui peut passer par une mutilation, voire une amputation sur le sujet lui-même) amène fréquemment comme ultime solution l’acte suicidaire. Nombreux sont les schizophrènes à se suicider.
Linele a écrit:
La crise de schizophrénie ou de bouffée délirante aigüe me parait être l'explication la plus logique.
Ça semble effectivement être le cas, avec un état de paranoïa avérée par la suppression du gêneur/persécuteur (la mère).
Edgar Hoover a écrit:
Lourdes : elle meurt après avoir tué sa mère
La femme de 34 ans, qui avait tué sa mère de 81 ans mardi à Lourdes (Hautes-Pyrénées), a été retrouvée morte jeudi, dans sa chambre de l'hôpital psychiatrique où elle avait été internée. Dans l'attente des résultats d'une autopsie et d'une analyse toxicologique, le parquet privilégie l'hypothèse d'une mort naturelle.
Le corps ne portait aucune trace de violence. Il a été découvert par le personnel soignant qui venait l'examiner, jeudi matin, à l'hôpital psychiatrique de Lannemezan (Hautes-Pyrénées).
Dans la nuit de lundi à mardi, cette femme avait violemment frappé sa mère dans leur appartement du centre de Lourdes, entraînant la mort de celle-ci. Reconnue irresponsable pénalement, elle avait été hospitalisée d'office en milieu spécialisé. Avant le meurtre, la jeune femme avait déjà été placée en hôpital psychiatrique.
Leparisien.fr avec AFP
En premier lieu j’aurais tendance à avancer la thèse du suicide comme conséquence d’une sévère culpabilité survenue chez la fille dans un second temps.
Minia a écrit:
Elle avait peut-être un problème au cerveau et elle en est morte. Ce qui expliquerait la "possession" et son accès de violence... Il faudra attendre une autopsie.
Ça ressemble tout de même pas mal à la signature d’une structure psychotique. Aussi, même sous l’autorité d’une pathologie organique, il me paraît inévitable de souffrir de schizophrénie pour peindre un tel drame. Maintenant il est tout à fait légitime de se demander ce qui a bien pu faire office d’élément déclencheur. Le trouble organique pourrait éventuellement se présenter comme tel…
Marcion a écrit:
Personnellement je crois en la possession. Pour ma part, on ne se prend pas pour la diable dans un état "d'excitation extrême" par hasard.
Couramment, les nombreux cas dits de « possession » ne s’avèrent être en réalité que de simples crises d’hystérie. L’hystérie n’entre pas dans le cadre de la psychose, c’est une névrose (on ne parle pas de « délire » mais de « delirium névrotique » dans de tels cas). La crise de « possession » de l’hystérie se ramène davantage aux fantasmes du sujet (être utilisée/possédée par le démon, mordue/aspirée par le vampire, enlevée/abductée par les E.T., etc.) Je conjugue au féminin puisque la majorité des sujets hystériques sont des femmes. Les fantasmes sont toujours très présents à notre époque (je pense au succès de « Twilight » chez les jeunes filles en ce moment, ou encore, plus généralement, au triomphe des théories de John Mack aux États-Unis…)
Ar Soner a écrit:
Dans la pratique, c'est une autre histoire... et n'importe quel psychiatre te confirmera que les personnes névrosées ou psychologiquement fragiles ont très souvent tendance à se réfugier dans la religion.
Il est vrai que la religion offre de salutaires solutions à certains patients déstabilisés. Dans ce cas, c’est surtout la pratique et la rigueur des règles qui permettent à certains de retrouver un équilibre dans leur vie, dans ses lignes de conduite voire de pensées (notamment dans la psychose). Pour d’autres (névrose), la religion offre l’opportunité d’apporter des réponses satisfaisantes quant à la place du sujet dans le monde, ou encore d’atténuer les inquiétudes relatives à la question de la mort, etc.
Peu nombreuses sont effectivement les personnes sollicitant les services d’un professionnel de la santé mentale lorsqu’elles ont la foi…
John-as a écrit:
Les Curés de campagne ont beaucoup servi de psy il y a encore peu , et les confessionnal remplaçaient les divans des psy.
C’est tout à fait vrai.
Amadis a écrit:
A mon avis, dans ce cas précis, c'est encore le symbole qui fait que la question d'une possession se pose (…)
Lorsque que l’on tape les mots-clefs de ce fait divers dans un moteur de recherche, on tombe effectivement sur quelques mises en page illustrées par le cliché d’un crucifix en gros plan. Le crucifix comme arme du crime, une véritable aubaine pour les médias.
Nobody a écrit:
D'abord il y a ce fait divers de folie mystique et ensuite cette jeune femme meurt, comme ça, sans cause particulière. Je ne pense pas prendre de risque en disant que ça ne se voit pas tous les jours. C'est vrai que c'est quand même curieux comme affaire. J'attends avec impatience le résultat de l'autopsie.
J’attendais aussi les conclusions de l’autopsie, mais je n’ai rien trouvé sur le web et l’affaire date quand même du mois de mars. Les résultats de l’autopsie étaient censés être dévoilés la semaine suivante (?). Maintenant s’il s’agit d’un suicide avéré, ça compromet en effet l’institution hospitalière qui risque d’être pointé du doigt sous l’humiliant joug du scandale…