Trève de poncifs sur les SMS et autres abréviations, à qui l'on fait un procès injuste, inutile, et pourtant si aisé... Croyez-vous qu'un adolescent tel que moi, qui dort avec son portable sur son oreiller, qui le surveille du coin de l'oeil en faisant ses devoirs, comme on révère une idole sur son autel, soit à ce point écervelé qu'il ne fasse plus la distinction entre l'orthographe académique et ce chaos symbolico-phonétique qu'il manipule avec tant d'aisance?
Non, preuve à été faite que l'influence, que l'on croit si néfaste à la maîtrise de la langue, de cette orthographe "économique" et rapide sur l'orthographe académique était aussi insignifiante qu'inimaginable.
Sachez que ces adolescents qui ont acquis des bases saines en orthographe et en grammaire (prononcez académiquement
*gramaire) font parfaitement la différence, et quant à ceux qui font un galimatias indémêlable de lettres, de genres travestis et de nombres décuplés, ceux que l'on peut croire fragilisés par ce moyen de communication (de même que par les chat internet, quand j'y pense), sont les mêmes qui faisaient déjà maintes fautes auparavant.
Moi qui ai été instruit par la méthode globale, et qui ai gravi sans trop de difficultés les échelons du primaire et du secondaire, moi qui me trouve à présent en hypokhâgne, je découvre autour de moi que je ne suis pas le seul extra-terrestre de ma (dé-)génération à aimer caresser la couverture d'un bouquin, à aimer lire Shakespeare (et savoir écrire son nom

), Voltaire, Hugo ou Balzac, et à ne pouvoir rester assis dans une bibliothèque sans me ruer sur les rayons (quoique ce trait me soit assez particulier)... Et que je ne suis pas le seul, rendez-vous compte, à me limiter aux trois fautes réglementaires en dissertation de lettres ou de philo...
Trêve d'amalgames ! Non, les jeunes ne sont pas plus illétrés qu'autrefois (c'est même le contraire), pas moins dislexiques. Si l'école est aujourd'hui, il faut en convenir, la fabrique en masse du parfait crétin, ce n'est pas la faute d'une méthode de lecture, qui convient parfaitement à certains entendements et va à l'encontre d'autant d'autres; pas non plus la faute aux sms et chats internets... Voyez plus large, ouvrez les yeux, au nom de cette génération sacrifiée, dont j'ose me prétendre rescapé, c'est toute la médiocrité ambiante qu'il faut brûler avec nos manuels scolaires.
Cessons un peu de croire à la culture facile, qui se consume et se consomme aussi vite qu'elle s'achète, cette culture que l'on jette, cette culture "torche-cul" (le terme est de Rabelais), et faisons l'effort de revoir notre style, ampoulons nos figures, et redonnons un peu d'âme et de beauté à nos lettres. Un peu de rigueur que diable ! Vous le devez bien à ces sombres victimes des mécaniques que vous avez vous-même mis en marche. La culture n'est pas un marché, c'est là qu'est le débat. Lorsqu'on l'aura compris, reviendra l'orthographe.