5ème partieQuoi de plus sensationnel que de mettre les pieds dans un endroit aussi magnifique que dans cette ancestrale Chartreuse du Glandier, en plein cœur du Pays « vert » de Pompadour (surtout que je suis arrivé au cœur de l’été) ?
Ce sont, en fait, des raisons professionnelles qui m’amenèrent sur ces lieux avec ma petite famille, pour une période de six mois, en 1989. Normalement, j’aurais du rester plus longtemps, mais des problèmes liés à l’organisation interne l’établissement (à l’époque), me contraignirent, ensuite, à quitter l’endroit rapidement.
Bref, ce séjour idyllique au niveau environnemental, mais catastrophique au niveau professionnel (très mauvais accueil) me laissa, pour le coup, une impression mitigée. Ce n’est que quelques années plus tard, et rétrospectivement que je me suis rendu compte que je n’aurais jamais du y aller.
Reprenons le fil historique de mon récit :
- La tuberculose ayant pratiquement disparue de France dans les années 60, il était évident que, s’il fallait que l’établissement public situé dans cette Chartreuse continuât d’exister, il était nécessaire qu’il change de mission ! C’est donc une volonté politique du
Conseil de Paris qui transforma la Chartreuse en Etablissement d’Accueil pour enfants handicapés mentaux et, ceci, pour deux raisons : continuer à assurer l’emploi des personnes y travaillant ainsi que celles des fournisseurs locaux mais aussi résoudre le problème de prise en charge des enfants déficients mentaux sévères en manque de structure d’accueil sur Paris. Tout en réalisant de sérieuses économies, car on en revient toujours à une affaire de gros sous. Malheureusement, l’établissement garda (tout de même) sa vocation de mouroir, mais à plus longue échéance car lorsque les pensionnaires devinrent adultes, la Chartreuse se transforma en Etablissement pour adultes d’accueil déficients mentaux, en grande majorité des personnes souffrant de formes d'autismes et de troubles envahissant du développement plus ou moins sévères...
(1)Des personnes qui, en tout cas, passeront toute une vie, loin de leurs familles, doublement enfermées par un handicap, par un mur et des hectares de campagne ! Tout cela dans des conditions, certes, conforme à ce que l’on doit attendre de ce genre de structure, mais il y a de quoi, tout de même vous fendre le cœur en deux…
Peu de temps après mon arrivée (mouvementée, mais je passerais sur les détails), on me donna les clefs d’un très grand logement pour accueillir ma famille (deux petites filles, un petit garçon) et qui s’avéra être l’ancien logement de fonction du coadjuteur de la Chartreuse. (Le coadjuteur était une sorte d’adjoint du Prieur, chargé des affaires courantes liés à l’organisation de la Communauté ). La Chartreuse n’avait, en fait, pas tellement changé de vocation en 800 ans, en quelque sorte : c’était toujours un petit village grouillant de vie ou chacun faisait ce qu’il avait à faire. Seul le vœu de silence avait été rompu… Il y a avait un centre d’aide par le travail pour les Personnes handicapés les plus autonomes et trois foyers de vie dont l’un dénommé Maison d’accueil spécialisé hébergeait les cas les plus sévèrement atteints.
Mon appartement était très vaste (plus de 300 m2) et se situait sur deux niveaux, juste au-dessus de la maison d'accueil spécialisée. Il comptait même un petit jardin (à l’époque cartusienne, il avait du avoir une vocation potagère) ou mon unique et adorable petit garçon d'un peu moins de deux ans pouvait s'amuser sans danger (il y avait même une balançoire) ! L'intérieur de l'appartement est assez haut de plafond, présentait des moulures ornementées du meilleur effet et il y avait également un magnifique plancher en parquet !! Petit à petit, je me renseignais sur le passé de cette magnifique Chartreuse pour en savoir à peu près autant de ce que vous avez appris dans mes précédents chapitres. Sur la photo, ci-dessous, mon logement de fonction est au premier plan (maison sur deux niveaux, à gauche).
Architecturalement, en 1989, les bâtiments étaient, grosso-modo, restés dans l’état dans lequel les Chartreux l’avaient laissé lors leur départ prématuré de 1901. Plutôt que de vous faire un état des lieux fastidieux, je vais vous présenter sommairement le monastère qui se découpe, en gros, en deux parties distinctes : d’un côté le Cloître, proprement dit, avec sa cour, son église, ses logements de fonction, ses communs (cuisine, atelier), son réfectoire et, de l'autre ses grands couloirs voutés qui réunissaient la première partie aux cellules des pères entourant une seconde cour fermée... L’architecture des Chartreuses se présentant très souvent sur un plan identique : on entre toujours par une sorte de cour commune ou sont rassemblés le cloitre et les "communs". Les cellules, étant toujours situés derrière l'église et les parties communes, comme "protégées" de l'étranger...
Malgré une certaine noblesse, l’ensemble donne une impression assez étouffante, voire assez morbide particulièrement la nuit. (associé à l’odeur d’infirmerie du côté du Cloître, cela vous met très rapidement mal à l’aise)
A la faveur de mon activité professionnelle, j’ai donc pu parcourir tous les couloirs, quasiment tous les services, des caves, jusqu’au moindre atelier, la moindre cellule (du moment qu’elle était libre de tout occupant ) et je dois dire qu’au regret de certains, je n’ai pas croisé le moindre fantôme, pas plus de moine encapuchonnée (sauf celui consacré à l’exposition qui me fit bien peur, un soir) ni le spectre du sieur Lafarge ou de qui que ce soit d’autre…
Au niveau nocturne, aucun bruit réellement suspect dans le sens « paranormal » du terme. Les cours d’eau souterrains, le vent dans les toitures et le cri des divers animaux dans la nature toute proche donnant, tout de même, un ambiance assez originale, voire inquiétante pour une personne habituée qu’aux bruits de la ville. Il y avait bien quelque chose, une sorte de menace diffuse flottant dans l’air, mais je n’ai jamais pu réellement définir ce que je ressentais dans ces lieux. Un ensemble contradictoire de confort, de plénitude, paradoxalement associée à une forte impression d’être sous une menace constante qui n’avait rien à voir avec les raisons professionnelles indiquées auparavant.
Cette impression resta très forte, tout le long du séjour.
Par contre, sans vouloir trop reprendre une phrase bien connue des amateurs de fantastique, je pense que la réalité du mystère de cette Chartreuse est ailleurs. Bien plus profonde et peut-être en fait, encore bien plus effrayante, car je ne suis pas prêt d’oublier les conséquences de cette visite.
A noter, pour détendre l’atmosphère un peu lourde de mon récit que mon passage dans cette Chartreuse eut lieu durant la fameuses libération des Pays d’Europe de l’Est et de la chute du mur de Berlin et que je n’appris cette grande nouvelle qu’après avoir quitté la Chartreuse. C’est vous dire à quel point mon esprit était occupé...
(1) http://fr.wikipedia.org/wiki/AutismeFIN---------------------------------------------------------------------------------------
EpiloguePour ne pas terminer sur une fausse impression qui consisterait à croire qu'il n'y avait rien à dire sur mon passage dans ce lieu remarquable et si chargé en histoire, je dois, en forme de conclusion vous déclarer que petit à petit, nous sommes rendus compte que le passage dans cette Chartreuse a changé notre destin.
Pendant notre séjour, il s'y est passé quelque chose, c'est certain. Mais pas des apparitions du genre spectrale ou hollywoodienne ! Quelque chose de bien moins spectaculaire mais beaucoup plus lourd à porter
... et pour ceux qui savent lire entre les lignes, relisez bien tout mon texte et regardez mon pseudo - cherchez sur google -
et vous trouverez la clé !non la clé des songes, mais la clé de mon cauchemar...
Jean-Paul