J'ai pas mal regardé tout ça, et si je ne me trompe pas, il s'agit là de documents sur le necronomicon de Simon? Or j'ai cru voir que ce texte était très controversé ?
J'ai là quelques lignes là-dessus:
Enfin, c'est à peu près au même moment (en fait, fin 1977) que paraît l'étrange bouquin dont nous allons davantage parler dans la suite. Publié par l'éditeur occultiste Magickal Childe, il se présente sous le titre : " Le Necronomicon, par Simon " (généralement connu sous le sobriquet irrespectueux de " Simonomicon "). A en croire le livre lui-même, il s'agit d'un recueil de très anciens textes mésopotamiens dans lesquels le lecteur ne peut manquer d'être frappé par la ressemblance de certains noms et de certains thèmes avec ceux qu'on rencontre dans les histoires de H. P. Lovecraft. De tous les faux Necronomicon, celui-ci est sans conteste le moins sympathique. D'abord, son but est évidemment de redonner vie à l'idée stupide selon laquelle le Necronomicon n'a pas été inventé par Lovecraft, qu'il s'agit d'un livre réel donnant de réelles informations occultes, etc. Il semble malheureusement que nombre de jeunes Américains se soient laissés prendre au piège. Ensuite, pour appuyer son propos, " Simon " aligne des textes et des références antiques avec une grande désinvolture : il ne s'agit en fait que de bluffer le non-spécialiste en étalant devant lui les signes extérieurs d'un travail sérieux et érudit (voir les deux essais qui suivent pour le démontage de ces prétentions archéologiques). Enfin, contrairement à Colin Wilson, les auteurs n'ont jamais reconnu la supercherie.
D'abord, qui sont-ils ? Il semble qu'il n'y ait pas de " Simon ". Des recherches laissent penser que le principal auteur de ce livre pourrait être Peter Levenda, déjà connu pour son ouvrage The Unholy Alliance dans lequel il examine les liens entre nazisme et magie noire. Simonomicon et Unholy Alliance partagent en tous cas un trait commun : un style de recherche mélangeant tout avec tout sans beaucoup de rigueur, et que la plupart des historiens réprouveraient certainement. Quoi qu'il en soit, il est curieux de constater que le Hitler de Levenda a lu le Necronomicon et y ait trouvé de la magie sumérienne. Les deux textes qui suivent examinent plus en détail le Simonomicon en traitant ses inconséquences avec toute la sévérité qu'elles méritent. Le premier est extrait d'un livre intitulé Babyloniana, dont je n'ai malheureusement pas pu trouver la référence (l'auteur est également inconnu). Le second, écrit spécialement pour Dragons & Microchips, est dû à la plume pertinente de Daniel Harms, grand connaisseur de toutes choses lovecraftiennes, à qui j'ai d'ailleurs emprunté l'essentiel de l'exposé qui précède.
I. Commentaires sur le Necronomicon de Simon
Extraits de Babyloniana de Kalyn Tranquilson (transmis par Steven Harris)
Le Necronomicon de " Simon " n'a pas grand chose à voir avec d'authentiques pratiques ou rituels magiques babyloniens, akkadiens ou sumériens. Cependant, quelques remarques s'imposent sur le texte " édité " par Simon.
Tout d'abord il semble clair que Simon a eu accès à une vaste collection de données mythologiques tirées de la culture cunéiforme. Je ne suis pas convaincu que ce texte soit plus ancien que sa date de copyright, mais au début de ce siècle, plusieurs des textes les plus importants du corpus mésopotamiens étaient déjà publiés. Comme l'indiquent sa bibliographie et ses références, Simon a eu accès à certaines de ces œuvres. Mais il a aussi une thèse à défendre, et pour cela n'hésite pas à déformer le matériel sur lequel il se base. Son livre souffre d'une ignorance totale des différences entre les mots et les noms sumériens et akkadiens. Il avance parfois des affirmations parfaitement indéfendables historiquement, comme par exemple que la langue sumérienne est " étroitement apparentée à celle de la race aryenne et possède en fait de nombreux mots identique au sanskrit (et, à ce qu'on dit, au chinois) " (p. XVIII).
Une analyse détaillée est donnée ci-après.
Introduction (p. VII-LVI)
Cette partie est la seule que Simon reconnaît avoir écrite lui-même ; c'est un fourre-tout dans lequel on trouve des informations de qualité fort inégale. D'une manière générale, les références mésopotamiennes ne sont pas vérifiées de manière sérieuse. Simon apparaît comme quelqu'un qui a eu une bonne idée (jusqu'à une date très récente, les textes sumériens et akkadiens étaient inconnus en dehors d'une petite communauté de spécialistes) mais n'a pas eu le courage de faire un travail sérieux, et n'a pas voulu faire apparaître le résultat comme étant son œuvre propre. On trouve un exemple de la naïveté de son travail dans ses sauts vertigineux de culture à culture. Pourtant, simultanément il donne sur les termes sumériens des informations intéressantes, peut-être même utiles (voir p. XLIX). Les télescopages linguistiques sont malgré tout son plus gros problème. Un exemple entre mille : sa dérivation du dieu lovecraftien Cthulhu (dont le nom dérive du grec " chthon ") [NdT : cette dernière affirmation me paraît plutôt aberrante] à partir du sumérien, basée sur le nom de la cité d'Ereskigal, Kutha. Ainsi, dit-il, KUTHA-LU [sic] signifie " l'homme de Kutha " ; le terme sumérien correct serait LU-KUTHA. Il établit également un lien entre Kutha et Kutu, deux villes et deux mots totalement différents, et entre Kutha, l'ABSU (le royaume d'Enki), le NAR MARRATU (la région marécageuse où se rencontrent le Golfe persique et les trois fleuves) et l' " abysse " grec. Il y aurait sans doute des choses à dire sur le rapprochement entre ABSU et Abysse - tous deux désignant la zone ténébreuse et informe qui existe en marge du monde ordinaire - cependant l'Abysse n'est qu'un vide, total et indépendant, alors que ABSU est un pays réel situé entre la Terre et les Mondes inférieurs. Les Sumériens connaissaient la différence. Quant à Kutha et NAR MARRATU, ce sont des zones géographiques bien réelles - même si Kutha, étant la ville d'Ereskigal, a pu être considérée comme une porte d'entrée vers les Mondes inférieurs.
Des Zonei et de leurs Attributs (p.17-33)
Ceci est un intéressant mélange de matériel babylonien authentique et de Dieu sait quoi. L'association des divinités avec des nombres particuliers est exacte, comme le sont quelques-unes de leurs descriptions. Les sceaux sont grotesques ; tout au moins, ils ne ressemblent à rien dont j'aie connaissance.
Le Livre de l'Entrée et de la Traversée (p35-49)
Ce chapitre est absolument n'importe quoi, même si l'idée des sept terres, des sept niveaux et des sept cieux est une caractéristique bien connue de la mythologie babylonienne. Je ne pense pas que Simon l'ait tirée d'une source authentique. Souvenons-nous que la plus célèbre ziggourat de Mésopotamie se trouvait à Babylone (la Tour de Babel) et qu'il se trouve qu'elle possédait sept niveaux. Il est clair que depuis une époque très ancienne, les Mésopotamiens ont eu un respect tout particulier pour le chiffre sept. Le nom d' " Etoile de Babylone " autrefois donné à l'étoile à sept branches par les occultistes occidentaux en est une trace. Simon peut très bien avoir emprunté ceci à l'un des nombreux ouvrages spécialisés traitant de la religion babylonienne.
Les Incantations des Portes (p.51-61)
Certaines de ces invocations ont un air " familier ", ce sont peut-être des hymnes de diverses époques. Je suis actuellement à la recherche des sources originales, car si elles sont réelles, elles peuvent se révéler utiles. Cependant les traductions qui en sont données sont pleines d'inexactitudes et les ABRACADABRA qui concluent les invocations n'ont aucune valeur.
Les Conjurations du Dieu du Feu (p.63-65)
Là encore on n'est pas très loin de quelque chose de réel, à part les abracadabra.
La Conjuration du Veilleur (p.67-73)
Laissez tomber ! Pure fiction...
Le Texte Maklu (p.75-92)
Tout d'abord, il convient d'ignorer encore une fois tous les abracadabra. C'est cependant un texte intéressant. Il s'agit en fait d'une série lexicale appelée maqlu ; il y a aussi plusieurs rites d'exorcisme (le plus courant étant le uttukku lemnuti), et vous constaterez que, parmi les textes présentés dans ce livre [Babyloniana - NdT] il y a un ou deux textes, incantations etc. que l'on retrouve dans différentes parties du texte maqlu de Simon, comme la Conjuration contre les Sept qui Gisent-dans-l'Attente (p. 79). Mais ces passages proviennent de sources différentes, et c'est Simon qui les agrège en un seul " texte ". D'une manière générale, je n'accorde aucune confiance à Simon. Je préfère suivre ses pistes et rechercher tous les originaux.
Le Livre de l'Appel (p.93-120)
Essentiellement de la bouillie pour les chats, surtout son " Invocation des Portes " - l'ordre est européen, et qui plus est, récent ! Cependant, un texte vérifiable est reproduit page 111 en version abrégée (texte KAR 61, édité par Biggs TCS II, 1967 : p. 70 et suivantes).
Le Livre des Cinquante Noms (p.121-150)
Les noms proviennent de la partie finale de l'Enuma Elish, mais pas le commentaire. Attention aussi à la transcription des noms en alphabet latin ; pour connaître les Cinquante Noms de Marduk, consulter plutôt The Babylonian Genesis de Alexander Heidel.
Le Texte Magan (p.151-180) Maggan est la côte iranienne du détroit d'Ormuz, peut-être le pays de la civilisation Harrapan ; elle n'a en tous cas rien à voir avec le texte qui est présenté. Ceci est une mauvaise traduction du début de l'Enuma Elish (voir l'ouvrage de Heidel). La section IV (p. 166-180), " Du sommeil d'Ishtar ", est une adaptation assez amusante du mythe de la Descente d'Ishtar (ou Inana).
Le Texte Urilla (p.181-202)
Très intéressant et imaginatif, mais... Le Témoignage de l'Arabe Fou (deux parties : p.3-16 & 203-218) Qui sait... mais vu le score de Simon jusqu'ici, je ne pense pas qu'on puisse s'y fier. Ce qui précède ne signifie pas que le Necronomicon de Simon, ou sa suite The Necronomicon Spellbook, est sans intérêt, ni qu'il ne peut pas être utilisé comme grimoire de magie, puisqu'on peut utiliser n'importe quoi dans ce but, à condition de l'investir du pouvoir adéquat. Mais ce livre est le résultat de la déformation ingénieuse de textes anciens par un esprit moderne. Il ne s'agit pas d'un authentique texte ou système magique babylonien, sumérien ou akkadien.
II. Le Necronomicon de Simon : document authentique ou imposture ?
Daniel Harms et John W. Gonce III
Un des débats les plus animés du fandom lovecraftien moderne concerne la question de savoir si le Necronomicon de Simon est un document authentique. Bien que n'ayant pas sous la main mon dossier sur le sujet, je vais essayer d'exposer au mieux ce que m'ont révélé mes propres recherches. Il est impossible - pour des raisons que je détaillerai plus loin - de prouver avec certitude que le Necronomicon de Simon est une imposture ; j'ai pourtant de nombreuses raisons de penser que c'en est une.
Pour commencer, examinons les dieux et les démons du Necronomicon de Simon, que le livre affirme être d'origine sumérienne. N'importe quel bon dictionnaire de mythologie nous apprend qu'ils ne sont pas sumériens, comme le prétend Simon, mais datent de périodes plus récentes. Par exemple le puissant dieu Marduk apparut d'abord à l'époque babylonienne, après la chute de Sumer, et le démon du vent Pazuzu remonte au Ier millénaire avant J. C. Les démons " lovecraftiens " de Simon, comme Kutulu (Cthulhu) ou Azag-Thoth (Azathoth), ne sont mentionnés dans aucun texte de cette période ni d'aucune plus récente. Notons également que la plupart des démons de la mythologie sumérienne étaient des serviteurs d'un dieu dont ils exécutaient les ordres, et non des êtres " mauvais " se battant contre des dieux " bons ". Même si le livre de Simon datait vraiment de l'Antiquité, il ne pourrait pas s'agir d'un texte sumérien.
On trouve d'autres preuves de l'origine récente du livre dans la section qui traite de la traversée des portes. D'abord, remarquons l'importance du babylonien Marduk, ainsi que du dieu Ninib. " Ninib " est apparemment le nom que certains auteurs du XIXe siècle donnèrent par erreur au dieu Ninurta, et il est intéressant de retrouver cette erreur chez l'auteur d'un manuscrit " antique ". L'idée de passer à travers des portes n'apparaît que dans l'histoire de la descente d'Ishtar dans les mondes souterrains, et ne faisait pas partie du voyage des magiciens dans les étoiles. La cosmologie qui s'exprime à travers la cérémonie de traversée des portes n'est pas celle de Sumer : elle apparut en Grèce au IIe siècle.
Le Necronomicon de Simon contient bien quelques sorts datant des époques sumérienne et assyro-babylonienne, mais ils ne constituent qu'une petite partie du livre. Mes propres recherches sur le sujet ont souffert du fait que la plupart des livres existants datent du début du siècle et sont souvent écrits en allemand. J'ai cependant constaté que souvent, les sorts cités dans le livre de Simon (comme son " Texte Maqlu ") s'interrompent, ou se mettent à mentionner Kutulu ou quelque autre monstre lovecraftien, au point où les tablettes cunéiformes publiées deviennent illisibles. Il faut également savoir que le matériel d'un magicien sumérien était très rudimentaire et se composait principalement d'ustensiles domestiques. Jamais il n'aurait pu se procurer l'équipement complexe et les métaux rares (le travail de certains d'entre eux, d'ailleurs, ne date que d'époques plus récentes) réclamés dans le livre de Simon.
Peut-être qu'un jour, un spécialiste des textes sumériens se penchera sur le Necronomicon de Simon et nous donnera une critique plus circonstanciée de son contenu. Cependant, quelques jours d'étude de la mythologie sumérienne et babylonienne nous permet déjà d'y repérer nombre d'incompatibilités avec ce livre.
Certains pourront protester que la seule manière d'évaluer un tel manuscrit est d'examiner l'original. J'admets que ceci permettrait d'éclaircir un certain nombre de questions, mais la direction de la librairie Magickal Childe n'a permis à personne de voir cet original. Leur histoire, ou plutôt leurs histoires, concernant l'origine du livre est intéressante elle aussi.
Selon ce Necronomicon lui-même, le livre provient d'un nommé Simon, apparemment une sorte d'espion international. Le manuscrit a été transmis par un " évêque errant " (on ne comprend pas bien s'il s'agit de Simon ou de quelqu'un d'autre) qui l'aurait dérobé après que l'éditeur l'ait publié. En 1981, l'éditeur donna une autre version de l'histoire dans le Necronomicon Spellbook, un mode d'emploi (maintenant épuisé) pour les sorts donnés dans le Necronomicon. Dans cette version, Simon est effectivement évêque, de religion orthodoxe. Il reçut le manuscrit grec du Necronomicon, datant du IXe siècle, de deux moines qui furent plus tard accusés d'avoir volé des livres dans de nombreuses bibliothèques américaines. De tels délinquants furent bien appréhendés en 1973, mais ils volaient des cartes et des atlas, non des manuscrits grecs. De plus, l'évêque new-yorkais dont dépendaient ces deux moines à l'époque est mort en 1984, alors que ceux qui connaissent Simon affirment qu'il est toujours en vie. Ces incohérences entre les versions, et à l'intérieur de chacune d'elles, ne peuvent pas être simplement ignorées.
Plus j'ai exploré les circonstances entourant le Necronomicon de Simon, plus j'ai trouvé de raisons de douter de son authenticité. Robert Carey, qui a travaillé à la librairie Magickal Childe (mais sans aucun rapport avec le Necronomicon), pense qu'il s'agit d'un faux, et cette opinion était apparemment partagée par la majorité de la communauté occultiste new-yorkaise lors de la parution du livre à la fin des années soixante-dix. J'ai eu récemment une conversation fort intéressante avec un illustrateur qui a travaillé sur cet ouvrage. Non seulement on l'a autorisé à retravailler et recréer les sceaux (celui qui apparaît sur la couverture est de son invention), mais de plus il a dû travailler sur une copie dactylographiée de la traduction, et non sur l'original ou une copie de celui-ci. Ceci me paraît plutôt louche : quelqu'un qui éditerait un tel livre ne préférerait-il pas utiliser les illustrations d'origine ? Que le Necronomicon de Simon puisse être utilisé en magie est sujet à débat ; mais il semble quasi-certain qu'il s'agit d'un faux d'origine récente. Bien des gens que je connais ne seront satisfaits que quand une des personnes impliquées viendra confesser l'imposture, mais pour moi, la réponse est claire.
Voilà, je lache l'url tant que j'y suis:
http://www.oeildusphinx.com/derby4-necro.html
Que dire?