Un film que j'ai vu m'a littéralement retourné le cerveau pendant quelques temps, encore maintenant il m'inquiète vraiment. Il s'agit de
Très bien, merci, d'Emmanuelle Cuau avec l'excellent Gilbert Melki dans le rôle principal.
C'est une implacable démonstration du système de mise au ban arbitraire qui pourrait éventuellement se mettre en place dès l'instant où tes actes se marginalisent ne serait-ce qu'un minimum. Résumé WP :
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Alex, comptable, et Béatrice, chauffeur de taxi, forment un couple sans histoires. Mais un soir, Alex observe trois policiers procéder à un contrôle d’identité, refusant de quitter les lieux malgré leur demande insistante: il veut "chercher à comprendre". Un engrenage implacable et absurde se met alors en marche : il se retrouve au poste, au chômage, et en clinique psychiatrique.
Alex ne comprend d'abord pas pourquoi il se retrouve au poste et réclame des explications, mais son attitude agace les policiers qui le traitent comme un vulagire délinquant. Son aventure le fait passer pour un marginal et son patron finit par le virer. Devenant de plus en plus fataliste et surtout ne comprenant pas l'absurdité de cet engrenage, il est envoyé en HP. C'est franchement terrifiant.
Critique cisaillée sur le site du Monde, écrite par Jacques Mandelbaum
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Il faut dire que, ce jour-là, Alex aurait mieux fait de se casser la jambe. Lui qui filait déjà un mauvais coton en fumant dans les couloirs du métro, lui à qui il était venu la mauvaise idée de protester quand un collègue de bureau était victime d'un licenciement abusif, devait naturellement finir par dépasser les bornes. Ce jour-là, donc, il s'arrête en pleine rue pour assister au contrôle d'identité musclé d'un type qui n'a visiblement rien fait. Plus encore, il refuse de dégager, comme l'y invitent d'un ton affable les représentants des forces de l'ordre.
Alex croyait-il vivre en démocratie ? Pensait-il de son devoir de citoyen d'assister à des actes de violence commis par des policiers dont la mission consiste pourtant à faire cesser la violence ? Allez donc savoir ce qui lui est passé par la tête. En tout état de cause, il se retrouve aussi sec au poste de police, jeté en cellule de dégrisement pour la nuit et inculpé d'insulte à fonctionnaire. Là-dessus, erreur fatale, Alex s'entête. Au matin, il demande, sinon réparation, du moins des excuses. Le ton monte, on le jette aussi sec dans un fourgon qui le mène tout droit à l'hôpital psychiatrique, avec un dossier chargé, mentionnant le désordre sur la voie publique et l'outrage à agents.
Le corps médical prend donc consciencieusement le relais des forces de police. En plaidant son innocence, Alex renforce évidemment le doute dans l'esprit des soignants sur son état mental. On le garde, d'autant plus légalement qu'on a fait signer à sa femme, sans qu'elle le sache, un accord pour une hospitalisation d'office. Les jours passent, et Alex finit logiquement par perdre son travail. C'est le moment où le film, à force de se coltiner avec l'arbitraire, n'est pas loin lui-même d'y sombrer. Il se remettra d'aplomb avec la réinsertion d'Alex dans la société, dans un happy end de pure convenance et un épilogue d'un cynisme consommé.
On aura donc compris, en voyant ce film qui sort entre les deux tours de l'élection présidentielle, que sa ressemblance avec l'état de raidissement sécuritaire qui réduit les libertés individuelles aujourd'hui en France est tout sauf fortuite. L'inquiétude qui nous saisit à son spectacle vient d'ailleurs moins d'une dénonciation frontale que de l'installation d'un climat où il est difficile de faire la part du réalisme et du fantasme. En cela consiste sa plus grande réussite, qui consiste à nous rappeler que tout appareil répressif justifie son propre délire en l'imputant à ceux qui le combattent.
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Don't hate me caus' I'm beautiful.