Oh, j'avais pas vu... J'ai un début de roman à vous montrer. Il s'agit d'une campagne de JDR romancée du point de vue de mon personnage. L'intrigue n'est pas de moi, mais il s'agit d'un exercice qui me pousse à réécrire un peu. Je suis un peu découragée, alors, je vous le montre, histoire d'avoir un avis (pas mordre hein).
Citation:
DANS UN TRAIN PRIVE :
Tout a basculé vingt ans auparavant, mais pour l’instant, je ne le sais pas encore. La nuit est tombée depuis peu et je guette l’approche de la ville à travers la vitre qui renvoie mon reflet flou. La porte du compartiment s’ouvre et Julchen passe la tête, ses cheveux blonds tombants sur un visage taillé à la serpe, pas vraiment ce que l’on peut appeler une fine beauté. « Nous approchons, Madame, nous serons à la gare dans un quart d’heure. » Je sais. Je réponds juste un vague merci, sans sourire. Je souris peu de toute façon. Pas mon style. Sauf quand je commets quelque ironie. Qu’importe que je lui souris ou non, Julchen m’aime de façon inconditionnelle. Que je hurle, m’énerve, soit autoritaire, ou même que cela est arrivé une fois, lui arrache un doigt, elle ne cessera de m’aimer qu’à sa mort.
Longue attente. Un quart d’heure me semble des heures alors que l’éternité pour moi ne devrait être qu’une promenade de santé. J’ai trente ans depuis soixante-dix années. Je ne peux me voir mais je sais, sous mes doigts glacés que ma peau n’a pas pris un pli, pas même d’amertume, que mon corps est toujours aussi ferme et sublime. Encore une fois, qu’importe. Ce soir, après des mois ennuyeux à chercher quelque chose que j’ai pas trouvé dans une quelconque ville qui n’est pas la mienne, je dois rencontrer la Comtesse qui vient de revenir à la vie pour préparer le retour de son prince. Elle v a ou non m’accorder le droit de chasser dans son quartier où je dois désormais résider en compagnie de son infant, August Holstein et de deux de ses amis, Manfred Stender et un certain Lothar dont personne ne se rappelle jamais le nom de famille. Tout nous oppose, mais ils m’ont demandé de rejoindre leur coterie pour y ajouter « une touche féminine ». J’ai accepté. Tant pis pour eux. Pas que je sois un monstre (encore que, tout dépend du point de vu) mais je suis dure à vivre. Nous le sommes tous. Non ?
Le train entre en gare alors que je suis plongée dans mes pensées. C’est Noah cette fois, qui entre : « Madame ?
- J’arrive. Prenez mes malles, tous les deux. » Bien sûr, toujours sans un sourire. Je sors du compartiment vers la porte. Comme il est encore tôt, la gare est encore animée. Je soulève légèrement le bas de ma longue jupe froufroutante, découvrant le bout d’une bottine démodé. J’aime mes atours démodés. J’aurai pu garder le style de mon époque, mais je ne l’ai jamais ni aimé ni adopté. J’ai toujours porté ses drôles de robes et bottines conçues exprès pour moi. Entre contemporaines et victorienne. A la fois engoncées et confortables. Qu’importe, je vis la nuit, sors peu et croise peu de mortels. Sur le quai, un enfant se débat avec une grosse valise. « Noah, aide-le !
- Qui donc ?
- Ce gamin, là… » Mes mots restent en suspend, il n’y a personne. Je réalise alors que les vêtements qu’il portait ne pouvaient pas être de cette époque. Un esprit. C’est rare, mais ça m’arrive. Normal. Raclement de gorge. Un homme chauve, visage rond, bien vêtu, de façon un peu démodé, tenant une canne me regarde, attendant mon bon vouloir. « Gustav ! Bonsoir. Pardon, je ne t’avais pas remarqué. Euh ? » Je le tutoie. Je les tutoie presque tous, ces serviteurs spéciaux. Je ne sais même pas pourquoi
« J’ai ordre de vous ramener au palais, Dame Irène. » Je le suis.
Deux des autres m’attendent à la porte de la Comtesse Mélisandis (où est Lothar ?). Manfred et son magnifique visage régulier, August et sa prestance désuète. Tous les deux à la fois charmant et un peu décalé dans le temps. Nous le sommes tous, alors… « Irène ! Bonsoir ! Comment fut votre voyage ? » demande l’un des deux, je ne sais même plus lequel. J’entendrai de toute façon cette question des dizaines de fois cette nuit, alors je réponds d’une boutade « D’un ennui mortel, mon cher… » . Ils rient. Hum.
Mon esprit s’égare quelques minutes tandis qu’ils discutent de l’entrevue que nous accorde, ce soir, la très importante personne qui vit derrière les portes fermées devant nous. Personnellement, je m’en fiche. Qu’elle m’accorde sa permission ou pas, et quoi ? Je continuerai comme avant si elle refuse. Me faire bien voir ? Et ? Je ne suis personne et ne souhaite pas devenir quelqu’un.
Nous entrons, finalement. Le moins qu’on puisse dire, c’est que Mélisandis est fort belle, toute en délicatesse éthérée, en blondeur et rubans, totalement assortie à son salon baroque d’ors et de pourpre Invictus. Je ne l’avais jamais encore vue et pourtant, rien ne frémis en moi, comme il est d’habitude parmi les miens. La permission m’est accordée de résider et de chasser sur son territoire. Ça n’est visiblement qu’une formalité. Comme la présentation qu’elle nous fait de sa nouvelle servante, cadeau pour son retour parmi nous. La fille est gauche et pâle, rien de bien fascinant. C’est souvent le cas de nos serviteurs, mais ils sont parfois, aussi, rarement, en fait, plus brillants et plus charismatiques que leurs maîtres. Parfois autant, quand le maître n’affiche que des gens ayant une certaine prestance autour de lui. Je me rends compte que je ne connais le nom que des plus notables d’entre eux. Ceux des Magni, bien sûr, ceux de mes amis et de ma grand-mère. Mais les autres ? Silhouettes floues autour de nous, ils sont pourtant réputés être nos yeux et nos oreilles, savoir bien plus que ne nous savons les uns sur les autres, prédateurs solitaires regroupés seulement par la nécessité de rester encore un peu humains.
Au milieu des palabres, la vraie raison de notre présence arrive enfin. Mélisandis a donc deux services à demander à son infant. Il y a toujours une raison cachée sous les politesses, même une mondaine aussi médiocre que moi sait cela. Je me tais mais j’écoute. Et j’apprends. Et ce que j’apprends ne me plait pas toujours forcément. De même que ce que je tais ne saurait plaire aux brillantes créatures que sont mes congénères.
« Hannes risque d’abandonner l’Invictus, August, je pense que vous ne l’ignorez pas. » Non, bien sûr personne ne l’ignore, Comtesse. « Je crains qu’il ne se présente pas à la fête qui va être donnée pour mon éveil. Cela serait le pire des affronts pour la Magna Octavia. J’attends de vous que vous vous teniez informé de ses intentions afin que j’en sois informée avant que le scandale n’éclate. » L’intéressé acquiesce. Elle reprend « Tâchez de le convaincre de s’y présenter, s’il vous plaît, son absence serait comprise comme une insulte ». La deuxième chose me plaît beaucoup moins, mais plutôt mourir encore que de le dire tout haut. August est prié de veillé sur le chef de la mafia locale. Mélisandis est attachée à la famille d’Iwan Dubianski et il a visiblement des ennuis avec des truands de Prague (Prague ? Mafia ? Quel rapport avec nous ? Misère…). A August de trouver le moyen de s’en occuper. Me voilà donc, bien malgré moi, mêlée de beaucoup trop près, à mon goût, avec des histoires de MAFIA. Je pense que les ennuis commencent. Je me trompe. Ça n’est qu’une forme d’apéritif précédent les ennuis.
LE LICHT :
Qu’est-ce que je fiche ici ? Néons, musique trop forte, odeurs de… de tout ? Ce tout, tous ces « tout » m’agressent affreusement, et je sais que peu de chose me feraient perdre mon calme. Je sais que certains des nôtres, souvent les plus jeunes se plaisent dans ces boîtes. C’est le cas de Manfred et August semble faire avec.
C’est encore pire que ce que je pensais. Dubianski, le gérant de cet endroit infernal, en compagne de ses acolytes (Mat, Igor et Stieg, un punk junkie) négocie ferme avec un type de sa trempe, tous en costume italien du plus bel effet pour l’endroit et les personnages. Autant dire que j’oublie tout de suite les noms des autres, sauf un : Valke Zaggerman, un des nôtres… Un pragois, associés à la mafia Tchèque. La teneur des négociations m’échappe un peu, faute de m’intéresser, si ce n’est qu’il s’agit de laisser certains commerce aux uns, dans une ville pour en partager d’autres dans une autre, sachant que les commerces en question sont du genre habituel : filles, drogues, armes. Dubianski est en difficulté à Vienne, il le sait. Certains de ses hommes ont été tués par des bandes rivales. Seul un accord avec leurs homologues de l’Est peut lui rendre une certaine puissance et un certain pouvoir. Il n’a pas le choix, mais négocie quand même. Mon esprit vagabonde un instant. Je me lève, je vais chasser, il y a assez de monde pour ça. Ce genre d’endroit est ignoble mais a un avantage certain. La drague y est reine. Je n’ai qu’à faire une proposition osée à n’importe quel homme, qui me suivra alors aux toilettes. Au moment de m’exécuter, il me suffit de mordre. Et de boire. Facile. Et sans risque. Si je me retiens de tuer.
Mon esprit vagabonde, alors même que me nourrit sur l’imprudent qui suit une fille bizarre n’importe où pour n’importe quoi. Quel besoin ont certains des nôtres de s’adonner à ces jeux stupides que sont la pègre et le crime organisé ? Un jour, à cette question, August me répondra que c’est son devoir. Je l’ai alors cru. En repensant à tout ça, longtemps après, je sais qu’il me mentait ou se mentait à lui-même. C’est le jeu et le plaisir du pouvoir qui motive des gens n’ayant aucun besoin humain de se mêler de ces sordides affaires. Nous sommes joueurs. Ils sont joueurs. Moi, je ne joue pas.
De retour, je trouve mes amis attablés avec Stieg, le junkie. C’est Hannes, sous une autre apparence que la sienne. Étrange. Je saurai plus tard qu’il peut apparaître, non pas sous une apparence « choisie » inconsciemment par celui qui le voit mais dont lui décide.
« Hannes, votre sœur aimerait…
- Hum, j’entends bien. Mais qu’arrivera-t-il si… ». Je m’assois, silencieuse, un simple « Bonsoir » échappe, murmurée de mes lèvres. August me présente. Il me salue, je m’incline devant le Comte Hannes.
« J’aimerais voir ce qui se passe si je ne viens pas. Les règles ne sont plus pour moi. Je ne veux plus du carcan Invictus, August. » La discussion s’éternise. August demande, sans implorer. Hannes se dérobe. Hannes ne cède pas, mais j’ai le sentiment en partant qu’August l’a convaincu.
LE RETOUR :
Nous revenons à pieds à l’appartement pour ce qui sera ma première journée dans ma chambre. De fait, la boîte de nuit que nous venons de quitter n’est qu’à quelques centaines de mètre de notre refuge. Nous marchons tandis qu’August et Manfred discutent abondement de ce qui se trouve être les premiers pas d’August dans la pègre locale. J’ai encore beaucoup à apprendre sur mon ami et je ne m’en rends compte qu’avec le recul dont je dispose à présent. Sur eux tous, nous tous, j’ignore encore tout. J’ai vécu cloîtrée dans mon monde, qui n’est pas le notre, trop longtemps. Je ne saurai que longtemps après que cette nuit marque mon implication, involontaire dans la vie de notre Vienne nocturne.
Un vieil aveugle s’apprête à traverser avec son singe et son orgue de barbarie. A partir de là, tout se passe très vite. La voiture fonce, l’homme, à mes yeux est déjà mort. August fonce, beaucoup plus vite que ne le ferait un homme « normal ». Porté par August, il est à nouveau sur le trottoir alors que la voiture devrait le heurter. Le reste va encore plus vite. Tout l’immeuble appartient à August. Le rez-de-chaussée sera dès à présent le domicile du musicien, en échange d’un peu de musique à la tombée de chaque nuit. Nous savons tous, déjà, que cet homme va rejoindre nos serviteurs.
Si vous aimez, j'ai quelques page de suite.