Il y a pas mal de points sur lesquels je suis d'accord avec toi (la dépendance des éleveurs aux maïs, le rôle actuel de l'agriculteur qui devrait être celui d'un agronome éclairé plutôt que celui d'un simple technicien/exécutant de sa coopérative...) ou pour lesquels j'ai enfoncé une porte ouverte. Je ne vais pas forcément m'attarder dessus.
machtiern a écrit:
Concernant les ravageurs et autres adventices, en bio, c'est sûr que ça demande un peu d'investissement dans le suivi des cultures, on peu imaginer aussi que des terres gorgées de pesticides mettent du temps à retrouver un équilibre.
A te lire, les soucis rencontrés dans la bio au niveau des ravageurs et adventices sont uniquement liés à un déséquilibre de la terre lié aux précédentes pratiques agricoles...
Plus prosaïquement, les phytosanitaires
ont leur utilité dans la lutte contre les ravageurs et les adventices. S'en passer complètement est possible, mais cela demande un très bon suivi des cultures, une grande technicité, et cela conserve malgré tout une bonne part d'aléatoire (en particulier pour les mycotoxines dont je parlais ci-dessus).... Des conditions que tous les agriculteurs ne sont pas prêt à remplir.
Le fond du problème n'est pas les phytosanitaires eux-mêmes, c'est plus la façon dont on les utilise. Et si on paye le prix de 50 ans durant lesquels les agriculteurs ont épandu à tour de bras, sans réfléchir et en dépit du bon sens, de façon préventive plutôt que curative, ce n'est pas une raison pour jeter le bébé avec l'eau du bain...
machtiern a écrit:
Tu sais, il est mélangé avec des graminées
... Ce n'est pas de cette façon que tu présentais les choses dans ton message ci-dessus : à te lire, on récoltait la prairie semée de trèfle blanc, on donnait ça aux vaches et hop ! le tour était joué.
D'où mon enfonçage de porte...
machtiern a écrit:
Le système tout herbe est un modèle, rien n'empêche de compléter la ration en maïs, ce que fait la plupart des éleveurs, mais celui ci n'apporte pas d'azote dans la ration juste de l'énergie, c'est ce qui explique l'ajout de compléments azoté, tourteaux, farines animales.
[...]
Je l'ai dit plus plus haut, le maïs n'apporte pas une ration équilibrée, il n'apporte que de l'énergie et oblige à compléter la ration avec des tourteaux. Tourteaux importés ou produits en France, mais rarement sur l'exploitation même.
Mea culpa maxima, ma phrase est terriblement mal formulée d'où cet énorme contre-sens (et à me relire, je ne la comprend pas non plus).
Je faisais l'opposition - au moins dans ma tête - entre la ration que tu présentais (trèfle blanc + prairie) et la ration "classique" (prairie + ensilage de maïs + céréales + tourteaux). La première me semblait bien déséquilibrée, sans les céréales en complément que tu ne mentionnais pas, et je ne reste pas convaincu du tout que le trèfle blanc suffise à lui seul à remplir tous les besoins en protéines et acides aminés des animaux (d'autant plus qu'on ne peut pas le donner en grandes quantités, comme je le disais).
machtiern a écrit:
Si le bio continue à se développer, on peut espérer que les ingénieurs de l'INRA vont commencer à enfin s'y intéresser, non?:mrgreen:
Ils s'y intéressent déjà depuis quelques années. La bio était encore considérée comme une lubie de marginaux il y a 10 ans, mais les choses ont beaucoup changé - notamment depuis que l'opinion publique y est majoritairement favorable et que l'Etat a posé des objectifs très (trop) ambitieux de développement de cette filière....
machtiern a écrit:
Tu me diras, un artisan aussi, mais l'investissement est beaucoup plus important, terres, bâtiments, matériel, cheptel, ça chiffre. Et à ce niveau de pépètes, il vaut mieux mieux être prudent, mais comment l'être quand tous, du crédit patate à la chambre d'agriculture, en passant par la FNSEA, les GVA, les voisins, et même le curé l'incite à monter un deuxième poulailler?
L'investissement dépend pour beaucoup de la situation de l'exploitation : un jeune qui démarre de rien et doit tout racheter de A à Z va effectivement s'endetter jusqu'au cou, un autre qui reprend la ferme de ses parents aura naturellement nettement moins ce souci (ça dépendra du passif dont il hérite).
Et très franchement, à mon niveau, je n'ai pas l'impression que tous les acteurs des filières agricoles et para-agricoles poussent les exploitants à s'agrandir et investir (à part les technico-commerciaux, mais bon, ils sont incorrigibles). Au contraire, par les temps qui courent, connaissant la volatilité des prix et les contraintes qui pèsent sur les agriculteurs (notamment en terme de mise aux normes), j'ai plutôt l'impression qu'on les encourage à limiter les risques et s'assurer de leur sécurité...
machtiern a écrit:
Et comme je ne suis pas avare, le secret c'est quand le trèfle prends le dessus, d'épandre un peu de lisier sur la parcelle pour stimuler la graminée.
Je comprend la logique, mais ça ne me semble pas si automatique que cela : il faut que le stock de graminés dans le sol soit suffisamment important et que les espèces soient suffisamment combatives pour leur permettre de compenser le trèfle ; à l'inverse, si on contrôle mal les choses, on risque de favoriser un surdéveloppement du rumex qui aime bien les couverts de trèfles (même si c'est p'têt plus le trèfle violet que le trèfle blanc).
Il faut aussi voir si on a du lisier en stock dans sa fosse, si l'on n'est pas bloqué par la règlementation dans le cas d'une zone vulnérable ou le périmètre de protection d'un captage ou d'une zone inondable...
machtiern a écrit:
Comparons les deux modèles:
1-ration équilibrée (si t'es pas trop manchot) et auto produite, sans intrants (pas besoin d'engrais), ne nécessitant qu'un matériel léger.
2-ration nécessitant d'importer (sur la ferme) engrais, pesticides, et mécanisation lourde. Plus compléments alimentaires.
Où est le modèle économique le plus viable?
Si on ajoute au premier modèle, une volonté de "faire durer" , de penser ses investissements, de privilégier l'auto construction, dis moi qui a le plus de chance de dégager un revenu même dans les temps de... vaches maigres?
Des petits chiffres ? Je ne suis pas un spécialiste de l'élevage, loin de là, mais de ce que j'ai pu entendre à droite et à gauche, je n'ai jamais eu l'impression que les bios et extensifs se faisaient plus de marge que les conventionnels. C'était kif-kif.
... Au passage, tu noteras que dans le monde agricole, les exploitations les plus rentables, celles qui rapportent le plus et qui ont les reins les plus solides financièrement parlant, ce sont les grosses exploitations céréalières (presque "à l'américaine") comme on en voit dans la Beauce ou le bassin parisien. Pourtant, dans le genre "exploitation ultra-mécanisées et complètement dépendantes des engrais minéraux et pesticides importés", elle se posent là...
machtiern a écrit:
Non, les subventions ne sont pas équitablement réparties, et c'est là le problème. La grande majorité va au céréaliers, le reste à l'agriculture conventionnelle, le bio ramasse les miettes, un peu plus maintenant que la FNSEA a repéré le filon mais.
Je n'ai pas les chiffres sous les yeux, mais je ne suis pas sûr du tout que les choses soient si déséquilibrées. Outre les aides généralistes des agriculteurs (type DPU et autres), les bios touchent de nombreuses subventions (entre les aides à la conversion pendant 3 ans puis les aides au maintien, le crédit d'impôt, les subventions régionales, le PVE pour l'achat du matériel...)... Qualitativement, force est de constater qu'ils sont nettement plus soutenus que les conventionnels.
Après, dans la mesure où le bio représente encore peanuts au sein de l'agriculture française (5% des exploitations et à peine plus de 3% de la SAU), il est logique que
quantitivativement, si on regarde la façon dont les aides sont distribuées sur le territoire, ils touchent moins que les conventionnels qui représentent la grosse majorité des agriculteurs. Sans oublier que pour toutes les aides couplées à la production, les agriculteurs bio moins productifs sont un peu désavantagés.
machtiern a écrit:
* J'emploie le terme Paysan à dessein, quand même, pour qui me prends tu?
La paysannerie aurait disparue en 2012? Non.
Je ne te prends pour rien, je ne te connais pas. Mais le mot "paysan" est tellement connoté et utilisé à toutes les sauces par le public, les politiques ou les agriculteurs eux-mêmes à des fins idéologiques, que j'ai tendance à me méfier...
Quant au décès de la paysannerie, j'ai peut-être été un peu leste avec la cuillère à pot. Elle survit dans certains coins, mais elle est malgré tout bien moribonde.
J'avais été invité à des cochonailles dans le Gers il y a quelques années : bonne ambiance de fête de village, les agriculteurs du coin étaient tous été invités et avaient ramené leur famille par la même occasion, ça discutait autour des derniers potins et des productions... Et ils faisaient ça très régulièrement, de la même façon que ce type d'évènement (tuerie de cochon, tassage de la terre battue dans les fermes, mariages et baptêmes, etc) rythmait la vie des gens d'autrefois.
Cela dit, le fond lui reste toujours très sombre : ces gens-là sont un peu les derniers mohicans. La campagne et les alentours sont quasiment désertiques, les écoles fermant les unes après les autres et les villages se vidant de leurs habitants, faute d'avoir su rester attractif. Les jeunes, quant à eux, partent faire leurs études dans les villes - à Auch, Pau, Tarbes ou Toulouse ; ils y font leur vie et ils ne reviennent plus à la campagne qu'occasionnellement pour voir leurs parents.
C'est bien pour cette raison que j'écris que la paysannerie a déjà un pied dans la tombe : ce qui la rendait possible (une forte proportion de la population vivant dans les campagnes d'une agriculture vivrière, d'où un fort tissu social et une culture propre) n'existe plus de nos jours. Et quand on voit le nombre d'exploitant qui diminue année après année, et que les métiers de l'agriculture n'attirent plus les jeunes (et à raison)...
machtiern a écrit:
Celui d'une agriculture qui s'autogère, qui est capable d'expérimenter sans demander l'autorisation à la chambre d'agriculture, qui est capable d'esprit critique, et qui emmerde la pensée unique.
Depuis quand les agriculteurs ont-ils besoins de l'aval d'une chambre d'agricuture pour expérimenter ? Les chambres ne contrôlent rien, et de toute façon un propriétaire reste toujours le seul décisionnaire de ce qu'il implante sur ses parcelles...
Ce serait plutôt l'inverse : les chambres que je connais essayent désespérément de trouver des agriculteurs pour lancer des expérimentations agronomiques (notamment vis à vis de toutes les techniques alternatives de type semis direct et TSL, désherbage mécanique, CIPAN...)... Mais personne ne se manifeste : les exploitants n'ont pas envie de tester quoi que ce soit, la prise de risque, ce n'est pas leur truc - ce qu'on peut comprendre.