Le lien est mort.

La CIA n'intimide pas Berne

RÉVÉLATIONS Dès le 27 juin, Micheline Calmy-Rey a demandé des explications aux Américains sur ces mystérieux avions de la CIA qui survolaient la Suisse et atterrissaient à Genève.

On peut être neutre, petit, et ne pas garder sa langue dans sa poche. Le 27 juin dernier, Micheline Calmy-Rey est en déplacement à New York et à Washington. Reçue par Condoleezza Rice, la cheffe de la diplomatie américaine, la Genevoise aborde un sujet cher aux deux pays: la création d'un nouvel emblème du CICR, le fameux cristal rouge. Puis la conseillère fédérale passe à une question plus désagréable pour les Américains: l'atterrissage à l'aéroport de Genève de quatre avions affrétés par la CIA et le survol de la Confédération à 51 reprises par des appareils loués par l'agence américaine de renseignements. Cela pose problème: ces avions transporteraient des hommes qui ne bénéficient pas de la protection de la troisième convention de Genève sur les prisonniers de guerre.

En clair, accusés d'être des terroristes, ces «combattants illégaux» seraient torturés dans des prisons secrètes, notamment en Pologne et en Roumanie. «Le Département américain a promis une réponse», souligne Jean-Philippe Jeannerat, porte-parole du DFAE. Mais cette réponse n'est pas venue. La Suisse a reposé la même question le 15 novembre dernier par l'intermédiaire de son ambassadeur à Washington.

La presse internationale a profité cette semaine de la tournée de Condoleezza Rice en Europe pour révéler que les grands pays de l'Union européenne, l'Allemagne, la Grande-Bretagne, la France, savaient que les Etats-Unis se livraient à des actes illégaux sur leurs territoires. Hypocritement, ils ont préféré garder le silence, contrairement à la Suisse. On imagine que, pour pouvoir mettre en accusation le plus grand pays du monde, Micheline Calmy-Rey était en possession d'informations solides. Des photos, par exemple.

C'est Boris Banga, le conseiller national socialiste de Soleure, qui a mis le feu aux poudres, début juin 2005, en interrogeant le Conseil fédéral sur la présence «d'avions suspects». Comment était-il lui-même au courant? «Beaucoup de gens s'intéressent à l'aviation. Ils prennent des photos lorsqu'ils voient un appareil un peu particulier, avec des antennes ou des échelles d'embarquement spéciales», raconte-t-il. Un cliché compromettant a-t-il été montré à Condoleezza Rice? Le DFAE ne souhaite pas répondre sur ce point, précisant que lui-même «n'a jamais eu en mains la moindre preuve».

* A quatre reprises des avions de la CIA (Boeing 737 et Gulfstream V) ont atteri à Genève le 24 décembre 2003 pour un aller-retour au départ de Washington, le 25 janvier 2004, pour un vol Prague-Washington et un Washington-Doha (Qatar), enfin le 15 avril 2004, pour un Washington-Washington.

© Le Matin Dimanche