Bonjour,
Le petit baigneur a écrit:
Mais c'est quand même incroyable quand même de passer du temps à ça alors qu'en bout de ligne, ça ne leur rapporte rien. Là je ne parle pas de ceux qui essaie de vendre des livres ou des films... Eux, nous savons ce qu'ils veulent. Mais les autres?
À la décharge de l’auteur de la vidéo, et au risque de jouer une nouvelle fois les « psy de service », je ne pense pas qu’il faille nécessairement voir une tentative d’enrôlement ou de prosélytisme dans ce qui peut ressembler à une propagande. C’est pourquoi, comme le souligne
Le petit baigneur il existe des situations apparemment étranges où les auteurs n’ont pas forcément de but mercantiles.
Mais alors, qu’est-ce qui peut bien pousser un individu à passer tant de temps devant ce type d’images, à décortiquer minutieusement chaque scène d’une interview puis à monter le tout à grands renforts de ralentis et autres gros plans ?
Eh bien ce sont là les symptômes manifestes d’une pathologie mentale grave qu’on appelle la paranoïa.
Shaede a écrit:
Personnellement, tous les échanges que j'ai eu l'occasion d'avoir avec des conspirationnistes ont été stériles, quand bien même je leur donnais des arguments bétons qu'ils ne pouvaient nier, il me répondaient : "wé, t'as raison. M'enfin bon, moi je dis que c'est bizarre, dans le fond je suis sûr que c'est pas normal (etc)."
Même retranchés dans leur dernier bastion de mauvaise foi, ils n'abandonnaient pas.
Alors, quelqu'un a-t-il un jour réussi à en convaincre un?
Il y a « conspirationniste » et « conspirationniste ». Dans le cadre de la paranoïa, l’individu se situe dans une forme de
certitude, celle qu’il existe un problème dans l’ordre du monde. Ce « problème », n’est pas automatiquement cerné chez le malade. Il est sûr d’une chose : quelque chose ne va pas et que ça le touche lui – ou qu’en tout cas les autres ne semblent pas en avoir conscience. À partir de ce constat vient s’établir une stratégie personnelle de « remise en ordre » du monde.
Le malade est alors à la recherche de sens et de significations lui permettant de remettre un peu d’ordre aux choses par lesquelles il se sent complètement saisi, happé. Il y a donc une
construction, une tentative de rétablissement du sens. On dit alors que le malade devient un « interprète du non-sens » : la présence de tel objet, de telle forme, de telle couleur, de tel son, devient un message qui signifie quelque chose. Et où, comme le disait
Améli_mélo, « la moindre grimace, le moindre bout de langue qui dépasse d'une bouche » deviennent des preuves
irréfutables propres à cette construction. Et cette dernière, c’est ce que l’on appelle le délire. C’est une construction délirante, comme dans le cadre de la conspiration (fondée sur des éléments extravagants).
Mais, à partir du moment où l’on comprend que le délire, comme construction, est une tentative d’explication, de résorption, voire de « guérison » (Freud), on conçoit qu’il n’est pas nécessaire de vouloir absolument démolir l’édifice.
Alors, pourquoi les reptiliens et pas autre chose ? Tout dépend de l’individu. Le malade, pour expliquer son monde, emprunte des
éléments au champ culturel dans lequel il baigne. Chez d’autres, ce sera par exemple des allusions à la Religion, etc.
Ce qui me frappe particulièrement avec cette vidéo, c’est toute cette concentration d’images autour du regard et de la bouche. Or, le regard, cette chose à la fois abstraite et subtile qui témoigne de la présence inquisitrice d’autrui, incarne souvent une véritable menace pour le paranoïaque souffrant de persécution. Idem pour la « voix ». C’est pourquoi l’intrigue de la pupille allongée et de la langue fourchue se retrouve si souvent dans ces scénarios par exemple …
Amélie_mélo a écrit:
Qui sont ces conspirationnistes après tout ? Des gens qui se posent au dessus du commun des mortels en prétendant détenir La Vérité ultime. Ils en tirent un sentiment de fierté, de supériorité. Eux, ils savent. Ils jubilent même en disant à qui veut les entendre : "Vous verrez en 2012, on en reparlera !"
Tout dépend du « conspirationniste » en question, tous bien sûr ne sont pas paranoïaques. Mais, dans le cadre de la paranoïa qui est d’ailleurs définie comme une « psychose délirante caractérisée par une
surestimation de soi et un raisonnement logique », il est normal d’y percevoir une position « d’exception » (« Je connais La Vérité », « Je suis un messager des Anges », etc.)
Pourquoi parle-t-on de « raisonnement logique » ? Simplement parce que le paranoïaque est un logicien. Il subit des effets (il sent que quelque chose cloche dans son univers, il le vit) et en recherche des causes, les siennes, notamment pour en limiter l’emprise.
Redrum a écrit:
Il y a des tendances paranos contre lesquelles il est difficile de lutter. Peut-être que ces personnes ont une vie tellement pourrie sur laquelle ils n'ont pas d'emprise, qu'ils ont besoin d'un bouc-émissaire. Mais aussi se poser comme détenteurs de LA vérité : dans ce cas, ce ne sont plus eux les loosers mais les autres.
C'est un peu de la psy de bas étage mais ça peut être des pistes de réflexion
Non ce n’est pas de la « psy de bas étage », puisqu’en effet tout détenteur de vérité se place nécessairement au-dessus de la masse. Mais, une fois de plus, il y a « détenteur » et « détenteur ».
Celui qui, comme le suppose
Redrum, souffre d’une grande frustration, d’infériorité, etc., et qui se positionne en détenteur de vérité, n’a pas grand-chose à voir avec celui qui
subit sa propre vérité, comme dans la paranoïa.
Le premier aura besoin, pour différentes raisons, de trouver une façon de se valoriser aux yeux de ses pairs. Démonter son argumentation, c’est lui faire comprendre alors qu’il ne possède pas la vérité, c’est-à-dire qu’il est dans l’erreur. C’est le ramener à ce qu’il a peur d’incarner : un minable ; et il lutera de toutes ses forces, même s’il a tort. Dans ce cas, ce n’est même plus « la vérité » qu’il veut véhiculer qui compte, mais le fait qu’il détienne, coûte que coûte, une connaissance lui assurance une valorisation narcissique. Mais c’est encore une autre histoire.
Pour la paranoïa, les choses sont inversées. Le paranoïaque subit vraiment la situation, il est l’objet de cette situation menaçante qui est toujours incarnée par la figure d’un persécuteur (Gouvernement, Patron, Aliens…)
Ce qu’il attend dans ce cas, ce n’est pas une confirmation de sa position de « supériorité » (qu’il vit, pourrait-on dire, malgré lui), mais un témoin. C’est pourquoi il existe tant de vidéos où les auteurs présentent ce qu’ils pensent être des preuves, des constats irréfutables, aux yeux d’un public qui fait office d’instance tierce (je pense à la vidéo des « cailloux-aliens » récemment postée sur le forum, par exemple).
Le paranoïaque est à la fois le lieu et le témoin de ce bouleversement du monde et il tente de présenter ses preuves aux autres.
Il arrive parfois que des paranoïaques doués d’une grande intelligence puissent paraître si crédibles qu’ils finissent par convaincre leur entourage. On parle alors de
folie à deux ou à plusieurs…