Je voudrais amener 2-3 précisions, car je suis infirmier, je bosse en salle d'op et je fais également partie de l'équipe de transplantation d'organes de l'hosto ... Je suis donc assez familiarisé avec certaines techniques de conservation etc ...
Franchement, j'ai du mal à avaler cette histoire, surtout présentée comme ça.
D'abord, il faut savoir qu'actuellement, la mort est uniquement définie par l'obtention, à plusieurs reprises, d'un EEG (électro-encéphalogramme) plat. Cet élément garanti que le cerveau est mort... et donc, que le patient est mort.
Il faut savoir que, lorsqu'on est face à une personne qui présente un EEG plat, ça peut être assez choquant pour un profane, car, si la personne est hospitalisée et prise en charge médicalement, bien souvent, on se retrouve devant une personne morte, mais qui, paradoxalement, n'en a pas l'air ... pourquoi ... parce que son coeur bat toujours, ses reins fonctionnent encore etc ... ce n'est qu'au bout de quelques heures que l'on assiste, progressivement et inexorablement, à l'arrêt de toutes les fonctions organiques. Tout ceci est facilement explicable scientifiquement. Par exemple, le coeur possède ce que l'on appelle le noeud sinusal ... c'est ce noeud qui provoque les décharges électriques qui induisent les contractions cardiaques ... or, cet élément anatomique n'a pas besoin du cerveau pour fonctionner, c'est un processus automatique et indépendant ... le cerveau ne peut qu'accélérer ou ralentir le coeur, mais ce n'est pas lui qui le fait battre ... donc, même en état de mort cérébrale, votre coeur peut continuer à battre ... mais ceci ne laisse pas 1% d'espoir ... EEG plat = mort et rien d'autre.
Concernant les transplantations d'organes maintenant. Il faut savoir que toutes les cellules du corps sont sensibles à l'ischémie (déficit en oxygène) et ce, avec des sensibilités différentes en fonction de l'organe considéré.
Lors d'un prélèvement d'organe, il existe des moyens qui permettent d'allonger le temps d'ischémie que l'organe puisse supporter et ce, sans qu'il n'y ait de nécrose tissulaire (=mort des tissus). Ces moyens sont doubles :
1°) On vide l'organe de son sang et on le remplace par un liquide de conservation spécial et froid... et c'est là que l'article m'étonne, car ce n'est pas simplement du liquide physiologique... c'est un peu plus complexe que ça.
2°) On refroidit l'organe en le plaçant dans un caisson isolé thermiquement et dans de la glace.
Malgré ces précautions, on a de grosses différences de tolérance à l'ischémie, par exemple : le coeur c'est quelques heures maxi, les reins c'est 48 h maxi (c'est l'organe qui se conserve le mieux) etc ...
Mais le problème majeur se situe au niveau du cerveau. Une cellule cérébrale, c'est 1 minute d'anoxie (absence d'oxygène) maximum... au-delà de ce délai, c'est des séquelles à coup sûr. Alors, il est vrai que pour certaines opérations, notamment celles qui touchent à la crosse aortique par exemple, on peut faire ce que l'on appelle, un arrêt circulatoire total ... on arrête le coeur et la circulation sanguine ... mais ce genre de truc c'est chaud de chez chaud hein ... faut pas croire qu'on peut faire ça au bord de la route, sur un crash de bagnoles ... on doit refroidir très fort le patient et l'environnement, prendre en charge ses fonctions corporelles etc ... bref, c'est vraiment pas évident ... S'il est vrai que le froid conserve mieux, même dans ces conditions, il ne nous est pas possible de maintenir cet arrêt pendant des heures et des heures sans risquer d'infliger des séquelles au patient.
Un autre problème que l'on rencontre lorsqu'on a préservé un organe, c'est lors de la reperfusion de celui-ci, je m'explique : lorsque l'organe a été prélevé, il est conditionné (comme je l'ai dit plus haut) et placé dans un bac isolant avec de la glace, ceci est appelé le temps d'ischémie froide (car l'organe est, à ce moment, en manque d'oxygène, mais il est aussi refroidi pour diminuer le risque de nécrose). Lorsqu'on reçoit l'organe, on le sort de son conditionnement et là, commence le temps d'ischémie chaude (car il n'est plus dans son environnement froid et protecteur). C'est ce temps que l'on doit réduire au minimum, car c'est à ce moment que l'organe trinque le plus. Mais, malgré toutes les précautions que l'on veut bien prendre, qui dit ischémie (froide ou chaude), dit lésions cellulaires inévitables. Quoi qu'on fasse, des cellules souffrent et meurent pendant ce transfert et, ce faisant, elles libèrent dans le sang, à la reperfusion (moment où l'on rétablit la circulation sanguine dans l'organe), une quantité variable de substances toxiques ... par exemple, du potassium. Ce potassium peut entraîner un arrêt cardiaque à la reperfusion ... on a déjà eu ça avec une simple greffe de rein ! C'est le risque majeur à la reperfusion et c'est évidemment proportionnel à la quantité de cellules potentiellement en souffrance lors de l'ischémie. Ce que j'veux dire c'est que, si ce risque n'est déjà pas négligeable pour une simple greffe de rein, il faut bien se rendre compte que dans le cas des chiens, c'est tous les organes qui souffrent et libèrent plus ou moins de substances nocives à la reperfusion, ce qui accroît considérablement ce risque d'arrêt cardiaque notamment.
Bref, j'vais arrêter de vous saouler avec mon roman mais, avec ma petite expérience de la chose, la réanimation des chiens là, dans ces conditions, ça me paraît vraiment plus que fantaisiste ... en tout cas, moi je n'y crois pas.
|