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Clone : 1978, la formidable imposture de Rorvick.
WASHINGTON, 5 jan (AFP) - La controverse actuelle autour de la naissance supposée des bébés clones revendiqués par la secte des raéliens n'est pas sans rappeler un précédent fameux: le formidable canular orchestré en 1978 par le journaliste américain David Rorvik.
Cette année-là sort aux Etats-Unis un livre qui défraie la chronique: "A son image: le clonage d'un homme". Son auteur: David Rorvik, un journaliste scientifique indépendant, passionné de génétique et de parascience.
Le livre raconte comment un beau jour de 1973, Rorvik a reçu un coup de fil d'un homme d'affaires milliardaire de Californie. Celui-ci affirme vouloir un "héritier" et se dit prêt à payer une fortune pour un clone de lui-même. Il se fait appeler "Max" et demande à Rorvik de lui trouver un scientifique qui pourrait mener l'entreprise à bien.
Rorvik raconte comment une équipe de scientifiques fut acheminée dans un laboratoire clandestin sur une île secrète, dans le Pacifique.
Après trois années d'expériences, les chercheurs parviennent selon lui à produire un embryon humain viable renfermant l'ADN de "Max", implanté dans l'utérus d'une mère-porteuse au nom de code "Sparrow" (moineau), une résidente de l'île. En 1976 naît selon ses dires le premier clone humain.
Le 3 mars 1978, le quotidien New York Post fait sa Une sur cette histoire sulfureuse et en publie les meilleures feuilles. Dans les jours qui suivent, les médias s'emparent de l'affaire et tout le monde ne parle plus que de Rorvik, de "Max" et de son clone.
Lorsque l'ouvrage paraît, il s'installe en tête de la liste des meilleurs ventes.
Dans le monde politique, les réactions d'indignation pleuvent. Le Congrès des Etats-Unis désigne une commission d'enquête pour tirer l'affaire au clair.
L'annonce est accueillie avec le plus grand scepticisme par la communauté scientifique. La très prestigieuse revue Science, dans son numéro du 24 mars 1978, publie la réaction de chercheurs qui dénient toute crédibilité aux assertions de Rorvik.
La technique de clonage décrite dans le livre est vaguement basée sur des expériences réussies menées dans les années 1960 sur des batraciens. Mais les chercheurs contestent alors que cette technique soit applicable aux mammifères.
Les choses commencent à mal tourner pour Rorvik. Un biologiste britannique, dont les travaux sont cités dans le livre, porte plainte en diffamation contre lui et sa maison d'édition, Lippincott.
Trois ans avant la parution du livre-choc de Rorvik, ce chercheur à l'Université d'Oxford, Derek Broomhall, avait publié dans la revue Nature un article dans lequel il détaillait comment il avait réussi à fusionner le noyau d'une cellule de lapin avec un ovocyte de lapine. Ces travaux étaient présentés à l'époque comme une importante avancée vers le clonage animal.
Saisi de l'affaire, le juge John Fullam du tribunal de Philadelphie somme Rorvik de produire le clone humain. En l'absence de preuves, il déclare en 1981 que le livre "est un faux et un canular".
L'année suivante, la maison d'édition dédommage Broomhall. La moitié de la somme, d'un montant non précisé, provient des recettes tirées des droits d'auteur de Rorvik, qui se ruine en frais d'avocat.
Les motivations de David Rorvik ne furent jamais éclaircies. Curieusement, il n'a jamais voulu admettre l'imposture. Dans un entretien accordé au magazine Omni en 1997, il continuait de prétendre que l'histoire était vraie.
Les raéliens auraient-ils réussi là où Rorvik n'avait fait que fantasmer ? L'avenir le dira mais le parallèle avec la controverse actuelle est frappant, même si le contexte scientifique est radicalement différent.